ITW Jérémie Daclin

Le doyen du skate français, connu pour ses différents projets entrepreneuriaux et son envie de défendre le skate français, s’est confié dans ce long entretien. On a discuté de son parcours de skate, de son shop avant-gardiste All Access, du lancement puis de la fin de Cliché et de ses nouveaux projets avec Film Trucks et Bonjour Uréthane. On s’est retrouvés dans ses bureaux dans les locaux de Wall Street – un détail qui a son importance – en matinée, parce qu’il était hors de question de faire l’interview à midi ! Parce que tous les jours, à cet horaire, Jérémie skate durant ses skate breaks.

Comment tu vas Jérémie ?

Bah très bien, il fait beau !

Comment t’est venue l’envie de monter sur une board ?

Ça remonte à très longtemps – Rires -. Comme beaucoup de personnes, j’ai vu un jour un gars se ramener avec une planche de skate et j’ai tout de suite accroché. Pour moi, c’était la liberté de pouvoir se déplacer et de découvrir ma ville. Grâce au skate, j’ai aussi fait mes premiers voyages.

C’était à Lyon ?

Oui. J’ai toujours vécu à Lyon, parce qu’au niveau de la géographie, la localisation est assez centrale. La ville est plutôt calme et puis à la fois dynamique. La Suisse et l’Italie sont à côté. Tu peux aller à Paris ou à Montpellier pour la journée.

À quel moment t’es-tu rendu compte que tu étais doué pour le skate et que tu pouvais gagner ta vie avec ?

Au tout début des années 80, on était très peu à faire du skate à Lyon, voire même en France, donc il était très difficile de se projeter et d’imaginer une carrière.
Pour se faire voir, il fallait participer à des compétitions. J’ai été cinq fois champion de France et d’Europe. Mon objectif n’était pas de participer à des contests, mais plutôt de voyager et de faire le tour du monde.
J’ai roulé pour des marques comme New Deal, qui était un peu le Polar de l’époque. J’ai été l’un des premiers européens à avoir des tricks dans une vidéo américaine.

Aujourd’hui, tout ceci est beaucoup plus accessible, parce que des sponsors bien établis existent. À l’époque, il n’y avait même pas vraiment de skate shops, de magazines ou de photographes. Tu skatais surtout pour la passion du skate et non en te disant « je pourraistravailler, devenir pro ». J’ai abordé cela comme une passion désintéressée au tout début.

Au fil du temps, j’ai créé des connexions, la culture skate s’est imposée et un business est né. Je pense que c’est aussi une histoire intimement liée à Cliché dans un sens, puisqu’à l’époque, le sponsoring n’existait pas. Pour être sponso, il fallait aller aux US. Cliché a été créé afin de permettre aux skateurs de rester en Europe et d’offrir une alternative aux planches américaines.

Quel a été le déclic pour lancer Cliché ?

Il n’y a pas vraiment eu de déclic. J’ai monté des business pour bosser dans le skate, pour rester dans le skate. Je ne pouvais pas être professionnel financièrement. Cela n’existait pas encore. Il fallait donc que je travaille. J’ai alors créé, dans un premier temps, un magasin qui s’appelait All Access.

J’ai lu dans d’anciennes interviews qu’il s’agissait d’un magasin expérimental où on pouvait trouver du matos de skate, acheter des disques, assister à des expos

C’était un peu trop novateur pour la période. Mais oui, on proposait une offre hybride entre le skate, le hip-hop et la galerie d’art. On faisait des expos, on vendait des œuvres, des objets d’art, des mixtapes, mais aussi des marques qui sortaient un peu du skate, comme du Tommy Hilfiger, du Ralph Lauren. Moi, j’allais à New York tous les six mois pour m’approvisionner en matos et en vêtements. Aujourd’hui, on appelle ça un concept store. Avec le recul, je pense qu’on était un peu jeunes, et puis on était encore beaucoup dans le skate. Mais c’était une super expérience et un premier pas dans le business du skate.

Une première expérience dans le business du skate qui t’a permis de comprendre ce dont avait besoin une marque ?

Complètement. Grâce à cette expérience, j’ai compris quelles étaient les attentes, les services dont avaient besoin les magasins. Et puis comme je skatais, je comprenais aussi les attentes des skateurs, l’attention demandée quand on est sponso, l’organisation de skate tours, etc.
De plus, j’ai été le premier en France à donner des photos incentives aux riders. En fonction des photos et de l’apparition du logo de la marque, je rémunérais les skateurs et je leur reversais également des royalties en fonction des pro modèles.

Avant ça, les skateurs ne gagnaient rien ?
Non, ils promotionnaient des produits en touchant presque rien. C’était donc un juste retour des choses. Quand tu mettais un logo en avant sur des photos, tu touchais des incentives. Les choses se passaient ainsi aux US. Il n’y avait pas de raison que ça se passe autrement ici.

Photo by Loïc Benoit



La volonté de s’établir en tant que compagnie européenne était présente dès le départ du projet ou est-ce que c’est venu plus tard ?

En tant que skateur, comme les réseaux sociaux n’existaient pas, pour se faire des potes, voire de nouveau spots, apprendre de nouveaux tricks, tu devais voir du pays. Donc, très tôt, j’ai voyagé, beaucoup voyagé même. Je suis allé à de nombreuses reprises en Suisse, en Italie, en Allemagne, un peu partout en Europe. Ça m’a permis de connaître du monde, de nouer des contacts avec des distributeurs, tisser des liens avec des skateurs, etc. J’ai donc tout de suite monté une team européenne.


Comment s’est fait le shift de marque européenne à marque internationale ? Au départ, si je me souviens bien, la team était essentiellement française et européenne. Dans la Europa, il y avait JJ Rousseau, Pontus Alv, Ricardo Fonseca, Vincent Bressol – dont j’avais eu la board pro comme cadeau de Noël –, puis, plus tard, Andrew Brophy, Pete Eldridge, etc.

J’ai une petite anecdote à propos de Vincent Bressol. Vincent était un skateur de la team et à la fois un Rep. À l’époque, cette fonction n’existait pas vraiment encore dans le skate. Un jour, je lui ai proposé de se faire un peu d’argent en plus en devenant représentant pour Cliché. Il prenait sa voiture et puis, entre deux sessions de skate sur Paris – c’est là qu’il tournait principalement –, il allait dans les magasins pour montrer les produits. En retour, je lui filais dix pour cent sur les ventes. Il a été le premier Rep Cliché et l’un des premiers Rep dans le skate.

Pour en revenir à ta question, Lyon attirait beaucoup de skateurs à cette époque et puis on voyageait aussi pas mal. Se faisant, on a rencontré beaucoup de gens qui aimaient bien ce qu’on faisait. Le shift s’est fait naturellement en créant des connexions. 

Et puis on était dans un contexte assez spécial. Dans les années 2000, les teams internationales commençaient à venir en Europe. La Cliché Europa et la éS Menikmati avec French Fred sortaient quasiment au même moment. Dans la Menikmati, beaucoup de tricks étaient filmés à Barcelone et nous, on y avait passé pas mal de temps.

En fait, notre vidéo a montré que sur quasiment les mêmes spots que la Menikmati, qui était une grosse production américaine, des skateurs inconnus pouvaient rivaliser avec les mêmes tricks que les pro internationaux. Les gens se sont rendu compte que les Européens pouvaient être sur un pied d’égalité avec les Américains. 

Il y avait un sentiment de mépris des Américains ?

Non, mais après, c’est vrai qu’auparavant les Américains venaient en Europe comme s’ils étaient en terre conquise. Puis, petit à petit, on est devenus leurs cousins d’Europe. Des connexions se sont faites, comme avec les gars de Lakai/Girl et bien d’autres encore.

J’ai toujours essayé de bien les accueillir, de leur montrer les spots, je gérais aussi pour eux les réservations d’hôtel. Je n’étais pas du genre à cacher les spots ou à les casser.

Tu avais le rôle de team manager.

Oui, quelque part, même si ce terme n’existait pas vraiment. C’était comme le métier d’agent. Indirectement, j’ai été agent pour un tas de skateurs. Bref, je m’occupais des skateurs, ça créait des connexions, les gars kiffaient, c’était cool. Tout le monde était gagnant.

Quel était ton rôle au sein de Cliché ? 

J’avais le rôle d’homme-orchestre au début, parce que j’étais tout seul. Il fallait que j’expédie les colis, que je contacte les magasins, que j’organise les tours, que je prépare les catalogues… Puis, petit à petit, en grandissant, j’ai réussi à embaucher des gens. On a eu un graphiste qui s’appelait Eric Frenay, un gars qui s’occupait des expéditions, un gars qui gérait l’international. Et puis moi, ça m’a permis de rester sur le terrain avec les riders. C’était le meilleur moyen de continuer à rester au fait des tendances, parce qu’on était aussi une marque de fringues à l’époque. On proposait des pantalons, des blousons, etc. C’était important d’être auprès des skateurs pour savoir ce dont ils avaient besoin. Puis, avec Dwindle, j’ai endossé le rôle de team manager. Al Boglio était plus brand manager. Il gérait aussi la relation avec Dwindle. Et Eric Frenay était au département design.

Quel a été un des temps forts de Cliché VS un des temps faibles ?

Je dirais la fois où on a été élus team de l’année. Tous les riders connus votaient sur Transworld, qui était le plus gros média de l’époque. C’était la première fois qu’une team européenne remportait ce titre. C’était une sacrée marque de respect.

Qu’est-ce que tu avais ressenti ?

De la fierté et puis on a senti que la compagnie avait passé un cap. On était présents dans Transworld et Thrasher,qui étaient les plus gros magazines de l’époque. On avait des skateurs qui avaient des pro modèles de shoes. Lucas Puig avait des shoes chez Lakai, Cale Nuske faisait partie des cinq skateurs du team éS, JB Gillet était dans la French Connection chez Lakai.

Je rajouterais aussi dans les temps forts, les vidéos comme la Europa, la Bon Appétit, les Gitan Tours, etc. La compagnie a vécu tellement longtemps que des gens se sont aussi approprié des moments plus marquants que d’autres.

En parlant des Gitans Tours, comment tu as eu l’idée de faire ces vidéos ? Le concept était génial !

Tout est parti de Pontus Alv, qui se plaignait : « Ah, mais il n’y a pas assez d’argent. Les hôtels sont trop pourris. » Je lui disais : « Tu sais, quand moi je partais, je dormais sur un bout d’herbe, je m’en foutais. Ne te plains pas, c’est déjà un énorme luxe de pouvoir voyager. Un jour, je t’emmènerai à un Gitan Tour comme je faisais à l’époque ». Il a quitté Cliché peu de temps après. Donc ça ne s’est jamais fait avec lui. Un jour, j’ai dit aux riders : « Venez à Lyon, on part en tour. » Et sans vraiment leur expliquer le projet, ça s’est fait.
C’était également les débuts de la téléréalité avec Loft Story. Ça m’a inspiré pour montrer tous les à-côtés, parce que, dans une vidéo de skate en général, tu vois 30 secondes du trick. Tu ne vois pas ce qu’il y avait avant, ni ce qu’il y a après. J’avais envie que ces à-côtés soient plus mis en avant que les tricks en eux-mêmes. 

Dans les temps faibles, qu’est-ce que tu as ressenti quand Dwindle a racheté Cliché et, après quelques temps, a décidé d’arrêter la marque ?

C’est un moment où Cliché aurait pu disparaître. Il y a quand même eu des choses bien avec Dwindle. Ils voulaient Cliché, mais ils nous ont laissé la liberté de rester à Lyon et de gérer les choses comme on le souhaitait. Je pense par exemple à Mike Carroll, lorsqu’il évoquait la malédiction des vingt ans d’une compagnie – Gino s’était barré lors de l’anniversaire des vingt ans de Chocolate –. En fait, le plus dur pour une marque de skate est de perdurer dans le temps. À un instant T, il y a une certaine mode, une certaine hype, c’est facile au début d’être une marque à la mode. Mais la mode change forcément. Par exemple, du slim, tu vas passer au baggy. Une marque doit savoir passer ces cycles. C’est le problème qu’on a rencontré avec Cliché.

D’ailleurs, c’est ce que vivent Girl et Chocolate actuellement. Au départ, les deux marques ont réussi à influencer beaucoup de monde grâce à leurs vidéos, à leurs graphismes, etc. Malheureusement, aujourd’hui, elles font moins rêver. Et elles sont encore trop jeunes pour devenir des marques légendaires comme Powell. Tes forces peuvent devenir des faiblesses avec le temps.

Photo by Râm Legrand

C’était le problème avec Cliché : perdurer tout en essayant de rester dans le coup ?

Avec Cliché, on l’a plus ou moins bien géré, parce que j’ai toujours aimé prendre des skateurs parce qu’ils skataient et non parce qu’ils étaient forts. On n’a jamais eu des skateurs uniquement tech ou courbe. On s’est employé à construire une team éclectique. Il y avait Javier Mendizabal qui faisait de la courbe, JJ qui était tech, etc.
J’ai toujours pris des skateurs parce qu’ils étaient cool et parce qu’ils apportaient de la diversité dans la team. Il n’y avait pas qu’un seul style de skate. C’est comme cela qu’on arrivait à rester cool aussi. 

Pour en revenir à Dwindle, ils ne vous mettaient pas la pression dans la direction de la marque ou des recrutements de skateurs ? C’est ce qu’on ressentait de l’extérieur…

C’est ce que les gens croient, mais non, ils ne nous mettaient aucune pression. On continuait de faire ce qu’on voulait.

Avec le recul, qu’est-ce qui manquait à Cliché pour que l’aventure continue ?

Dwindle marchait moins bien. On était les derniers arrivés, donc on a été sacrifiés.
L’envie également nous a manqué. On a eu la possibilité de continuer Cliché ou d’arrêter. Mais Al Boglio et Eric Frenay et moi avions des aspirations différentes. On a préféré arrêter.

Qu’est-ce que tu as ressenti une fois la décision prise ?

C’était dur, parce qu’on est partis en tour avec plein de gars durant plusieurs années. C’était une histoire qui allait au-delà de leurs niveaux en skate ; ils étaient devenus des amis. Avec Lucas, Charles ou Vincent, Pontus, que j’ai d’ailleurs revu récemment, nous avons entretenu des liens très forts. C’était comme quasiment le décès d’une personne. Il y a ceux qui ont su rebondir, d’autres moins. Je continue à en voir certains.

Et toi, personnellement, comment tu l’as pris ?

Moi, je suis plutôt optimiste dans la vie. Je me suis dit que c’était très bien ce qu’on avait vécu. Et peut-être qu’il fallait que ça s’arrête et que j’essaie de me lancer sur quelque chose d’autre.

Pourquoi Dwindle continue de vendre des boards Cliché ?

Les distributeurs se sont plaints, parce que c’était la marque qui marchait le plus en Europe. Dwindle s’est dit qu’ils avaient peut-être fait une connerie, donc ils ont relancé Cliché avec des team boards et des complètes. Les plateaux sont moins chers et il y a peut-être un peu de nostalgie derrière pour ceux qui les achètent. 

Cliché, Film Trucks : il semble y avoir un fil conducteur entre ces compagnies qui traduit une passion pour la photo et la vidéo. Tu peux m’en dire plus ?
Pour être un bon skateur, il faut être en couple avec un média, un bon filmeur, ou un bon photographe. L’osmose qui se forme avec ton pote filmeur ou photographe rejaillit sur ton image. Tu ne peux pas être le meilleur skateur du monde si tu n’as pas un bon caméraman qui te filme bien. Avant, c’était d’autant plus vrai, puisque le métier de photographe était bien plus valorisé. Tu gambergeais avec le photographe pour trouver le bon spot, le bon angle, la meilleure position pour les lights, etc. Dans les années 90, les photographes de skate étaient vachement novateurs sur l’esthétique, les prises de vue. C’est pour cela que j’ai toujours apprécié la photo.

De même pour la vidéo. Avant, tu attendais un an avant la sortie d’une vidéo. Et puis au risque de passer pour un vieux con, à cette période, on avait un tronc commun. Tout le monde pouvait avoir vu la fameuse vidéo, la Bon Appétit, la Europa, la part de Cale Nuske… Maintenant, la profusion des vidéos est telle qu’on passe à côté de certaines vidéos. Chacun a son canal de visionnage et ils peuvent ne pas se croiser. Avant, tout le monde pouvait avoir vu la cover du Transworld. Des photographes comme J. Grant Brittain ou Fred Mortagne sont mythiques, parce qu’ils ont pris des photos que tout le monde a vues.
Tout à l’heure, on regardait la vidéo Violet de Stroebeck. Tout le monde ne la verra pas, parce que, dans quinze jours, une nouvelle vidéo sortira. Ceux qui l’auront vue l’auront maté une fois ou deux, alors qu’à notre époque, on les visionnait vingt ou trente fois. De nos jours, c’est plus diffus, on n’a plus les mêmes références.

Photo by CK

Est-ce que tu regrettes cette période ?

Non, au contraire, je ne suis pas du tout passéiste. Je trouve qu’aujourd’hui les skateurs sont encore plus forts, plus ouverts d’esprit. Et puis les réseaux sociaux donnent plus de visibilité à des petits kids issus de bleds perdus.

Parlons de l’avenir, et même du présent avec ta nouvelle compagnie. C’était un sacré pari de lancer une marque de trucks alors que le marché est saturé et puis surtout dominé par Venture, Independent et Thunder… Est-ce que tu souhaitais, comme à l’époque de Cliché, remettre en question cet ordre établi ?

En quelque sorte. Au début, quand j’ai lancé Cliché, les gens pensaient que j’étais ouf à cause des marques ricaines qui prévalaient. La même histoire s’est répétée avec Film Trucks. Les skateurs en sont super contents, parce qu’ils apportent quelque chose d’autre. Sur le même principe que Cliché, je propose des produits qualitatifs, moins chers, du marketing plus local, avec plus d’écoute.

Pourquoi est-ce que je changerais mes trucks Indy pour des Film tricks. Qu’est-ce qui les différencient concrètement de la concurrence ? 

Tout d’abord, il s’agit d’une compagnie européenne qui sponsorise des Européens. Ils sont plus légers, ils possèdent un design bien particulier. Il y a une partie, la jointure entre les bushings, sur le truck, qui s’use prématurément quand tu fais des board slides. C’est une partie que j’ai donc renforcée. Elle est plus épaisse. Sur le marché, c’est notre truck qui a la partie la plus solide, tandis que beaucoup de trucks cassent à cet endroit. Les trucks sont également garantis à vie. Et puis il y a le programme de 1 % pour la planète auquel on est inscrit.
Tu vois aussi, il y a cette partie en forme de parking block qui a été conçue de telle sorte à avoir la plus petite surface de frottement possible. Quand tu fais des nose slides ou des tail slides, tu as moins d’accroche.

Et puis, sur cette partie, j’ai inscrit le logo du nombre d’or. C’est un truc présent dans la nature, dans des œuvres d’art comme la Joconde, les Pyramides. Ça donne un côté un peu ésotérique. Dans le design des trucks, j’ai utilisé le nombre d’or, notamment dans la conception des courbes du truck. Des peintres l’utilisent, Le Corbusier l’utilise. C’est un petit clin d’œil.

Le principe de Film trucks est aussi d’arriver avec beaucoup de couleurs, des collaborations avec des artistes et des modèles signatures avec les skateurs de la team. J’en ai réalisé avec Victor Cascarigny, Bastien Marlin, et d’autres sont en préparation. La concurrence commence à s’y mettre aussi.



Tu as réussi en quelques années à rapidement imposer la marque comme une alternative solide. Comment as-tu réussi à t’imposer ?

J’ai eu l’expérience effectivement de Cliché et je sais quels sont les services dont ont besoin les magasins. J’expédie hyper rapidement, je fais pas mal d’objets promotionnels autour, j’offre des stickers de qualité. C’est d’ailleurs quelque chose que les marques ne font plus trop, préférant se concentrer entièrement sur le digital. Mine de rien, les stickers sont des objets très importants qui font partie de la culture skate. Tu les colles sur ta board, ton frigo… C’est mortel et il faut que ça continue. Je fais également des vêtements, des pantalons à côté. Je possède également une petite marque de roues, Bonjour Uréthane, et une petite marque de boards, Into the Wild.

On reparlera de tes deux autres compagnies un peu plus tard. J’ai un peu de mal à me rendre compte, mais comment ça se passe pour développer des trucks ?

Le truck est l’objet dans le skate le plus compliqué à concevoir, parce que, dans les roues et les planches, il existe des tailles, des modèles standards. Quand tu veux fabriquer des roues ou des planches, on te propose des modèles de roues et toi, tu as juste à apposer ton design. 

Tandis que si tu veux vraiment ton truck, il faut développer tes moules, les tester pour voir s’ils fonctionnent, s’ils tournent bien, etc. Le développement d’un moule peut revenir à environ cinq mille euros. J’ai collaboré avec un ingénieur dans le skate qui développe pas mal de produits dans le skate. On a conçu les premiers échantillons ensemble.

Si tu veux une offre de trucks cohérente, il faut entre cinq et six tailles différentes, plus le moule de l’embase. L’investissement de départ est très important. J’ai débuté avec trois tailles, puis j’ai rajouté des tailles par la suite.

Comme chez Cliché à ses débuts, tu es multitâche chez Film Trucks ?

Je m’occupe de tout, comme au début de Cliché. Je m’occupe des envois, j’ai un représentant qui tourne pour moi qui s’appelle Jérôme Valette. C’est un gars super bien. Il a le même rôle que Vincent Bressol à l’époque. Je m’occupe de la conception des produits. Je vais plusieurs fois à l’usine. Je bosse avec un sérigraphe, un graphiste, je fais un peu tout. Et c’est ce qui est cool dans le skate aussi. T’es amené à organiser des AVP, bosser avec des gars qui font de la musique, organiser des skate tours, et même à faire de la comptabilité. Je n’ai vraiment pas le temps de m’ennuyer.
Mais il ne faut pas se leurrer, c’est également beaucoup de travail. Les gens pensent que c’est du skate, que c’est fun, qu’on passe son temps sur Instagram. Mais bosser dans le skate, c’est passer quatre-vingt, voire quatre-vingt-dix pour cent de son temps derrière son écran d’ordinateur à gérer des trucs relous.
Les gens, parfois, se trompent quand ils souhaitent se lancer dans le business du skate. Une compagnie ne consiste pas juste à trouver un nom cool, monter une team et filmer une vidéo. Il faut travailler tous les jours, se lever tous les matins, aller au bureau…


Entre toutes tes activités, comment réussis-tu à trouver du temps pour skater dans les 10 % restants ? J’ai vu que les Skate Breaks entre midi et deux étaient très importants pour toi. D’ailleurs, il était hors de question de faire l’interview à midi

Rires – On est une bande de potes et on essaye de skater tous les midis, parce que c’est le moment où tout le monde est disponible. Ça vient de mes voyages aux Etats-Unis. Là-bas, ils font ça à six heures du matin. Nous, on n’a pas le courage de skater si tôt.
Mine de rien, ça te libère l’esprit de skater avec tes copains. Tu rigoles, tu sais pourquoi tu bosses. Ça n’a pas de prix. Le skate, tu peux en parler autant que tu veux, des tas de gens ont des théories dessus, mais le but, c’est d’en faire. Et puis c’est très important de dire que ce n’est pas une question de niveau, que tu sois bon, pas bon, le skate est un défi envers toi-même. Donc même un gars qui apprend le ollie peut avoir le même plaisir qu’un gars qui fait un flip sur un énorme gap. C’est avant tout une bataille avec soi-même.

Est-ce important aussi que tes bureaux soient localisés dans le même local que le Shop Wall Street ? 

C’est le compromis parfait. C’est un plaisir de venir bosser ici et de retrouver mes potes. On prend le café ensemble, on visionne des vidéos. Autrement, au niveau business, être présent dans un shop de skate est important, parce que c’est là où tout se passe. C’est là que le kid doit aller, rêver, voir les boards, le matos, assister aux AVP… Il faut que ça reste un lieu central. Internet et les généralistes comme Décathlon peuvent tuer cette connexion vitale. Le skate, ce n’est pas que des tricks, de la perf, c’est également toute une culture qui est véhiculée par les skate shops, par les passionnés qui sont derrière, les gens qui aident à détecter des kids, qui les aident à se faire sponsoriser auprès de marques. C’est un écosystème hyper important et les shops de skate en sont le premier maillon. C’est pour toutes ces raisons que je suis heureux de partager mes locaux avec Wall Street.

Photo by Hugo Bernatas

Un maillon qui peut être menacé par Décath et les shops en ligne ?

Les Titus et les Skatedeluxe vendent des marques et le marketing qui va avec. Tandis que Décathlon vend des planches vierges. Un produit vierge est un produit sans âme. Et en fait, le skate, qu’est-ce que c’est ? Quand tu rentres dans un shop, t’as cent cinquante plateaux. Si tu enlèves les graphiques, c’est cent cinquante plateaux identiques. C’est la petite couche de sérigraphie qui donne l’âme d’une marque. La différence entre du Blind et du Palace se joue là-dessus. Et Décathlon tue cette culture.

Pourtant, ils proposent bien des boards avec des graphiques réalisés en collaboration avec des artistes.

Ils font des graphiques vides de sens. Ce n’est pas des graphiques qui défendent une idéologie, une team, une façon de skater. Dans toutes les autres activités, la montagne, la pêche, Décath arrive et propose des produits vierges – de très bons produits d’ailleurs – à des prix agressifs, mais ils tuent tout ça. Le skate, ce n’est pas que du sport, c’est toute une culture derrière comme je le disais plus haut.

Tu as un projet de marque de roues, Bonjour Uréthane, et de boards, Into The Wild Skateboards, dont Bastien Regeste m’a parlé. Tu peux m’en dire un peu plus ?

J’ai eu pas mal de demandes de distributeurs pour faire des roues. On a fait un premier skate tour à Montpellier d’ailleurs. Le but est d’avoir une team, partir en tour et puis proposer des prix un peu plus bas que les marques américaines. Le principe des roues est d’avoir un uréthane sans colorant. C’est pour cela qu’elles peuvent faire penser aux roues Bones.
J’ai aussi une petite marque de boards, Into The Wild Skateboards. Je fais taffer mes potes artistes legits comme le Gonz, Bryan Lotti, Chet Childress ou encore Javier Mendizabal. Le but est de proposer des petites séries avec une super finition et des shapes un peu spéciaux. Chaque board est unique. Pour moi, les shape Pop sicle, mis à part les graphiques, elles ne sont pas très marquantes. Tandis que les shapes un peu spéciaux, quand tu les rides, dix ans après tu t’en souviens. C’est aussi pour cela que certaines boards sont mythiques, comme des Powell Tony Hawk. Le but est également de proposer des planches à la fois skatables et collectionnables. La Fred Gall a par exemple été beaucoup commandée pour être accrochée au mur. Les boards sont disponibles exclusivement dans certains shops de skate comme ABS, ici à Wall Street, à l’Appart Skate Shop à Saint-Etienne. Je souhaite pour le moment qu’elles restent un peu confidentielles et disponibles dans certains magasins pointus.

Photo by Hugo Bernatas

Je lui souhaite le même succès que Film. Je ne vais pas te garder davantage, il est midi et c’est l’heure de la Skate Break.

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I'm thinking. (amin sharif and leo cienfuegos)
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