Est-ce la fin de MACBA ? On a discuté avec Alex Braza de MACBA LIFE
Ce n’est pas la première fois que la plaza de MACBA est menacée d’être interdite aux skateurs -rappelez-vous la campagne #SAVEMACBA en 2019- mais cette fois la menace semble très sérieuse. Les travaux ont bien débuté. Une partie de la place a déjà été condamnée et les 5 marches ont été fermées. D’autant plus que si on fie à une déclaration du maire, Jaume Collboni, ce dernier a défendu l’idée qu’un espace ne peut pas être monopolisé pour un seul usage et qu’il doit y avoir ‘de l’espace pour les personnes âgées et des espaces de jeux’. On a donc demandé à Alex Braza, le gérant du compte IG MACBA LIFE, Alex Braza, de nous raconter ce qui se passait.
Peux-tu te présenter pour les personnes qui ne te connaissent pas ?
Bonjour, je m’appelle Alex Braza. Je viens du sud de l’Espagne. J’ai commencé à faire du skate quand j’avais environ 8 ans, donc c’était en 1988. Je fais du skate depuis 30 ans. J’ai déménagé à Barcelone en 2003 après avoir terminé mon master. Avec quelques amis, on a voyagé à travers l’Espagne. On s’est arrêté à Barcelone, et je suis immédiatement tombé amoureux de cette ville.
Tu es aussi tombé amoureux du MACBA ?
Ce qu’il y a de plus fou à MACBA, c’est le sol. Le granit est incroyablement bon. Il y a aussi beaucoup de gens qui skatent ici tous les jours. Si tu y vas à 9 heures du matin, tu auras déjà des gens en train de skater. La long ledge en haut est également fantastique. MACBA, plus globalement est comme une aire de jeu. On n’y fait pas seulement du skate. Ce lieu rassemble des personnes venant d’un peu dans le monde, pas uniquement des skateurs, mais aussi des artistes, des photographes et des vidéastes. C’est un lieu de rencontre culturel. J’y suis allé pour la première fois avant 2001.
Pourquoi as-tu créé le compte IG MACBA LIFE ?
Je l’ai créé parce que, en gros, je scrollais sur Instagram un dimanche en mode chill. J’ai regardé beaucoup de posts clippés à MACBA, et je me suis dit que ce serait cool de tout rassembler sur un compte Instagram. Je n’avais pas prévu d’en faire une marque ou autre chose.
Les gens critiquent le fait que tu ne sois pas un local et que tu profites du lieu pour te faire de l’argent. Que réponds-tu à cela ?
C’est tellement facile de se plaindre tranquillement assis chez soi. J’essaie de respecter le lieu. J’embauche des locaux, des photographes, des vidéastes quand j’ai des projets ou des tournages. Je fais toujours en sorte de rendre à la communauté et de les intégrer dans des projets comme le « King of MACBA. » Dernièrement, on prépare une vidéo VX avec Mario Cano, un vidéaste local. Elle sortira dans un mois. On a filmé durant ces trois derniers mois, donc j’ai payé Mario, et les gens peuvent le contacter pour filmer afin d’apparaitre dans la vidéo.

La plaza MACBA a été menacée plusieurs fois ces dernières années, mais cette fois, cela semble sérieux. Que se passe-t-il actuellement ?
On parle de ce projet de rénovation depuis 2019, c’est à cette époque que j’ai lancé le hashtag #SAVEMACBA. On a fait beaucoup de réunions avec le gouvernement, la mairie, etc. Suite à ces discussions, les politiciens nous ont permis de continuer à skater avec certaines règles. Il suffisait de respecter les piétons et de nettoyer les déchets après les sessions. Ensemble, avec le gouvernement, on a lancé une campagne pour promouvoir ces règles. Des affiches ont été posées autour de la plaza. Tout allait bien. Il y a environ un an et demi, ils ont annoncé qu’ils allaient construire un petit hôpital et agrandir le musée. Les projets avaient été approuvés depuis longtemps. Les travaux ont commencé il y a deux semaines. Ils ont fermé les cinq marches et la moitié de la plaza pour pouvoir déplacer les camions et les équipements.
Et les cinq marches sont perdues ?
Oui, les cinq marches sont perdues, mais ce n’est pas une très grande perte. Ce que nous voulons absolument préserver, c’est le podium, la partie supérieure de la plaza.
Que ressentez-vous face à la possible disparition de MACBA ?
La place compte beaucoup pour moi, donc ce n’est pas facile. Je ressens beaucoup de tristesse pour les générations à venir.
MACBA fait partie de l’histoire du skate. Les autorités en sont-elles conscientes ? Existe-t-il une délégation capable de trouver un terrain d’entente comme à Bordeaux ?
On leur a parlé tellement de fois. On a discuté avec eux et même avec la personne qui a pris cette décision. J’ai même son numéro de téléphone, mais tu sais, les politiciens, j’ai l’impression qu’ils sont tous les mêmes dans le monde entier. Ce sont des menteurs. Ils te disent ce que tu veux entendre, puis tu découvres dans les journaux des choses contradictoires. Alors maintenant, on arrête de discuter et on passe à l’action. On a commencé avec une pétition et une manifestation.
La pétition signée par plus de 25 000 personnes a-t-elle produit des effets ?
Quand on atteint 25 000 signatures, ça a forcément un impact. Cependant on ne sait pas encore, on attend de la présenter au gouvernement.
Nous avons aussi vu que les manifestations deviennent parfois violentes. Ne pensez-vous pas que c’est contre-productif ?
C’est super contre-productif, mais je fais ce que je peux. Je ne suis pas le père des gens qui ont foutu le bordel.
Il n’y a même pas une once d’espoir pour imaginer un espace partagé. À Bordeaux, sur certains spots il y a des horaires pour les skateurs, et ça fonctionne très bien. Comme Batman, Tu devrais appeler Leo Valls pour une mission de sauvetage.
Je le connais, oui. On a vraiment tout essayé. On a tellement eu discussions qui n’ont abouti à rien. Maintenant, c’est fini, on change de position et on prend des mesures concrètes, comme les manifestations.

Pourquoi penses-tu que les autorités locales ne souhaitent pas conserver les skateurs sur la place ?
À cause des riverains. Ils se plaignent parce qu’ils pensent que les skateurs monopolisent la place et empêchent les enfants et les personnes âgées d’en profiter.
Quand il n’y avait pas de skateurs, cet endroit était plein de voleurs et personnes mal intentionnées. Les skateurs rendent la plaza plus sûre. Je me souviens que le musée ne voulait pas qu’on skate la place les mardis et les dimanches après-midi, car ils fermaient ces jours-là. Ils se sont rendu compte qu’en l’absence de skateurs, les visiteurs du musée se faisaient voler à l’extérieur. Alors, ils ont changé d’avis. Ils nous ont même permis de skater à l’intérieur l’année dernière.
Quels sont tes meilleurs souvenirs de MACBA ?
Passer du temps avec mes potes. La météo y est parfaite. En janvier, il peut faire super froid à Barcelone, mais le sol en granit reste chaud et agréable à skater. Tu peux commencer avec un Game of Skate avec Daniel LeBron, puis enchaîner sur la ledge ou un autre truc avec un autre pote. Pour moi, c’est l’endroit parfait pour s’échauffer et passer la journée. Mes meilleurs souvenirs sont tous ces moments passés avec mes différents amis.
Que rensetirais-tu si cet endroit devenait totalement interdit aux skateurs ?
Je me sentirais en paix avec moi-même, car j’aurais tout essayé. MACBA a traversé de nombreux changements, au moins trois grands. Et les skateurs se sont toujours adaptés. Les quatre blocs sont devenus trois blocs. Les gens grindent sur le côté ou utilisent une petite rampe pour skater les deux blocs comme un « Euro Gap. »
On a également récupéré d’autres spots sur le podium à une époque, comme le « low to high » et un bloc à sauter. Il n’y avait pas de ledge devant la porte principale du musée. Maintenant, il y en a une. Ils font toujours des changements, et nous, on s’adapte.
